Moctar Ouane, Premier ministre de la transition du Mali, s'est exprimé au sujet de la négociation entre Bamako et des groupes terroristes, la jugeant en phase "avec la volonté des Maliens" et complétant les frappes militaires françaises contre ces mêmes groupes jihadistes.
Dans un entretien exclusif à RFI et France 24, Il affirme que la négociation pour la libération de l'humanitaire française Sophie Pétronin et du chef de l'opposition Soumaïla Cissé est le fruit d'efforts conjugués.
Il nie tout "déphasage" entre le Mali et la France sur la question du dialogue avec les groupes jihadistes. Il souligne que la volonté de dialogue a été exprimée par le dialogue national de 2019 et qu'il s'agit de ce fait pour le gouvernement d'être "en phase avec la volonté du peuple malien". Face à l'option militaire, le gouvernement a préféré la voie du dialogue, insiste Moctar Ouane, qui nie que les frappes militaires française ces dernières semaines puissent entraver ce dialogue, ajoutant au contraire que les deux actions se complètent.
Il explique que des négociations avec des personnalités comme Iyad Ag Ghaly, le chef du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) ou Mamadou Koufa, le chef de la Katiba Macina, n'est pas exclu, soulignant que le but est un "dialogue avec tous les enfants du Mali".
Paris et Bamako ne sont plus sur la même ligne concernant d’éventuelles négociations avec les groupes jihadistes qui sévissent au Mali. En visite dans la capitale malienne, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a fermement rejeté, lundi 26 octobre, l’idée de discussions avec les rebelles islamistes liés à Al-Qaïda ou à l'organisation État islamique (EI).
Le Premier ministre malien de transition, Moctar Ouane, a quant à lui souligné que le "dialogue national inclusif", vaste concertation nationale tenue fin 2019, avait "très clairement indiqué la nécessité d'une offre de dialogue avec les groupes armés" jihadistes.
Il faut voir dans ce dialogue "une opportunité d'engager une vaste discussion avec les communautés afin de définir les contours d'une nouvelle gouvernance", a-t-il expliqué, en prônant une "coordination" avec les partenaires du Mali, "notamment ceux qui interviennent sur le plan militaire", au premier rang desquels figure la France, qui a déployé 5 000 soldats au Sahel.
Une perspective rejetée par le chef de la diplomatie française. "Disons les choses très clairement : il y a des accords de paix (...) Ces accords de paix ont été validés par un certain nombre de signataires, dont des groupes armés", a déclaré devant la presse Jean-Yves Le Drian. "Et puis il y a des groupes terroristes qui n'ont pas signé les accords de paix. Les choses sont simples".
Chercheur au groupe d'étude International Crisis Group (ICG), Jean-Hervé Jezequel souligne que les jihadistes sont "enracinés dans les communautés, en ont parfois leur sympathie" et qu'ils "gèrent une partie des territoires". Raison pour laquelle, après des années de guerre contre les jihadistes, "un nombre grandissant d'acteurs, sans lâcher l'option militaire, essaient aussi d'explorer la voie du dialogue", estime-t-il.
Des émissaires ont ainsi été envoyés par le pouvoir malien début 2020 vers Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa, deux figures du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), nébuleuse jihadiste liée à Al-Qaïda, responsable de nombreux attentats.
Très peu d'informations ont filtré sur ces contacts jusqu'au renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta. Les militaires, qui ont depuis lors mis en place une transition censée rendre le pouvoir aux civils dans un délai de 18 mois, ont affiché leur volonté de donner un nouveau départ au pays.
France 24